13 August 2013

Confidentialité et tests médicaux

(The English version of this item is published on PositiveLite.com)

De temps en temps au Québec nous nous désorganisons autour de la question de comment signaler un résultat de séropositivité au VIH aux autorités de la santé publique. Si je ne me trompe pas, le Québec est la seule province ou territoire au Canada où le dépistage du VIH demeure non-nominal, ce qui signifie que le nom de la personne n’est pas associé au résultat lors de sa transmission aux autorités. En 2002, dans le but de mieux surveiller le VIH, notamment en éliminant des doublons de résultats positifs, nous avons changé notre système. Depuis cette date, nous signalons les résultats positifs avec un code unique créé à partir du numéro d’assurance maladie, mais par un système qui ne permet pas de revenir —pas de découverte du numéro d’assurance maladie à partir du code unique. Ceci nous permet un certain regard sur l’épidémie, limité, bien sûr, par le fait que nous ne mesurons que les résultats de tests de dépistage de l’année, ce qui ne nous permet pas de conclure que ces personnes ont été infectées dans la même période ou que nous avons trouvé toutes les personnes infectée durant l’année.

Ce système a été adopté pour satisfaire aux exigences de la Commission d’accès à l’information du Québec (CAI). La CAI a réussi à répondre aux craintes de la communauté tout en trouvant une manière de mieux suivre l’épidémie en éliminant les doublons. Il demeure possible aussi de passer un test de dépistage anonyme, mais très peu de personnes se prévalent des tests anonymes, ou bien très peu de tests positifs sont trouvés par cette méthode.

Mais la question nous revient comme nouvelle controverse chaque fois que quelqu’un propose de changer le système à nouveau, et à rendre le dépistage du VIH nominal. On nous a proposé de rendre le système nominal afin de mieux compter les personnes immigrantes et les demandeurs d’asile, car ces derniers n’avaient pas de carte d’assurance maladie pour être comptés (et seulement une fois) dans le système avec encryptage. La solution était d’adopter un système parallèle qui me laisse avec le sentiment inconfortable que nous avons des protections à deux vitesses, tout comme nous avons un consentement au dépistage à deux vitesses (ceux qui sont ici déjà doivent consentir, les nouveaux arrivants n’ont que le choix entre dépistage et exclusion).
Une de nos objections a toujours été que le fait de rendre nominal les tests de dépistage aurait un effet dissuasif sur le dépistage. Un souci que notre système de santé publique ait des difficultés à maintenir la confidentialité? Pas certain que ça soit valide comme crainte, car mes tests de charge virale du VIH se promènent avec mon nom et le nom du test à faire sur la même étiquette (voir photo prise lors de ma dernière visite au centre de prélèvements). Tout est là et je n’ai jamais souffert des conséquences reliées à la confidentialité ou le partage de ces infos. J’ai confiance dans la capacité de notre système à maintenir ma confidentialité pour ces tests.
J’ai confiance aussi à la confidentialité de la « liste » nominale de personnes ayant été diagnostiquées avec le sida (versus le VIH : le signalement du sida demeure nominal, même si son signifiance est réduit). Mon nom figure sur cette liste depuis mon diagnostique en 1997/1998 et personne n’a frappé à ma porte ni autrement fait signe d’appliquer un traitement différencié à mon égard. Pas de chasse aux sorcières.

Est-ce que tout ça veut dire que je suis prêt à accepter que le dépistage du VIH devienne nominal? Pas du tout. Il se peut que j’aie confiance, comme une personne vivant avec le VIH parmi des milliers dans la métropole, que ma confidentialité soit protégée, mais ma situation et mes expériences m’appartiennent et ne se ressemblent pas nécessairement aux réalités des autres. Si l’état veut cueillir et maintenir plus d’informations sur son peuple, en particulier dans l’ère où certains nt des tendances regrettables de laisser des clés USB dans des endroits moins que sures et d’autres ont développé des capacités hallucinantes d’infiltrer des sites internet, il doit justifier son action. Ensuite, nous pouvons explorer ensemble comment arriver à votre but légitime sans nécessairement empiéter sur la vie privée de tout le monde. Le fardeau dans ce cas est sur celui qui cherche à compromettre cette vie privée et non pas sur la personne désireuse d’une vie privée.

Constatons aussi que nous voyons cette même question dans d’autres circonstances dans les nouvelles. Le monitorage des courriels et autres communications, y compris les historiques de navigation internet, effectué par des agences gouvernementales secrètes, mais avec poursuites criminelles contre ceux qui partageraient des infos cachées ou même l’existence des programmes illicites de surveillance au public…Bradley Manning? Edward Snowden? Si nous sommes appelés à accepter une telle approche de surveillance, pouvons-nous imposer une surveillance au même degré sur nos gouvernements?

Si le dépistage nominal ou quelques autres actions de collecte et maintien de données ne peuvent pas être caractérisées de « complot » d’exposition de nos détails personnels, elles doivent quand même être justifiées. Et cette analyse commence toujours du point de la protection absolue de nos infos personnelles, sauf pour les exceptions qui peuvent se justifier de manière légitime.

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