11 May 2015

Risque pour moi / risque pour toi

The English version of this article is published on PositiveLite.

Plusieurs m’ont demandé comment comprendre les résultats des diverses études sur les nouvelles technologies de prévention, notamment celles sur la prophylaxie préexposition (PPrE). Les études PROUD et Ipergay ont tous les deux rapporté une réduction du risque de transmission du VIH de 86% et l’étude iPrEx avant ça a montré une réduction de 44% ou de 92%, selon le rapport. (Le 44% était pour l’ensemble des participants à l’étude, le 92% pour ceux qui étaient les plus observant avec leur prise de pilules.)

La réponse « science » à ces questions est que le niveau de risque est réduit par le pourcentage nommé, donc un risque à 100% (très théorique : le VIH n’est pas si efficace) deviendrait un risque de 14% après la réduction de 86%. Cette même réduction de 86% transformerait un risque de 50% (toujours trop élevé pour le VIH) en un risque de 7%. C’est de la multiplication et non pas la soustraction, et fort probablement beaucoup plus complexe que ça.

Le chiffres sont impressionnants — ou pas vraiment — mais que veut dire un chiffre autre que 100%? La certitude serait infiniment plus aidant dans la prise de décisions, mais il n’y aura pas de 100% (il dit avec 100% de certitude). La science ne fonctionne pas comme ça. Elle nous laisse avec le défi de comprendre les chiffres et de les appliquer à nos vies et aux décisions que nous aurons à prendre.

Dans ma perspective personnelle, déterminer mon niveau de confiance en la PPrE comme moyen de prévention n’est pas pertinent. Comme je suis déjà séropositif, elle n’est pas un outil pour moi. Serait-elle un outil pour un éventuel partenaire dans ma vie? Peut-être. Aurais-je mon mot à dire dans le choix de stratégies et d’outils de prévention comme partenaire? Voilà toute une question.

Je suis certain que je ne suis pas seul à avoir déployé de façon unilatérale certains choix en matière de prévention. J’ai tout fait pour garder ma charge virale indétectable (à l’exception d’un couple de « blips » toujours à l’intérieur des balises de la Cour suprême), j’ai choisi des activités à moindre risque de transmission et, à des occasions rares et disparaissant de ma mémoire avec le temps, j’ai insisté au port de condom lorsqu’approprié. Souvent, ces choix n’étaient pas accompagnés d’un dévoilement de mon statut ni d’une discussion avec mon partenaire. Nous prenions chacun nos décisions suivant notre propre logique et nous les mettions ensemble au mieux que possible. Cependant, la plupart du temps et surtout récemment, ma vie sexuelle ressemble à un conte de fée tragique, avec une Raiponce rasée dans son tour sans aucun Prince Charmant à l’horizon. Au moins elle a de l’électricité et des jouets sexuels rechargeables!

Si par hasard un prince réussit à se présenter à ma fenêtre pour m’annoncer qu’il prenait la PPrE et, avec ma charge virale indétectable, il voulait tout faire avec moi sans condoms, quelle serait ma réaction? Ici, on doit entrer dans le passé de notre Raiponce pour voir quels événements ont formé sa vision du monde — ou du moins de son petit coin du monde — et on y voit tout de suite une expérience du VIH comme il était dans le passé. Et là, Raiponce (moi, en effet) devient conservatrice dans ses choix personnels de prévention. J’ai toujours été confiant que je n’ai jamais transmis le VIH, en tout cas pas depuis mon diagnostic et ma conscience de mon statut sérologique. Je ne suis pas certain que le 86% de réduction de risque me suffira, même si c’était assez pour le Prince Charmant. Peut-être à mon âge mon record parfait l’emporte sur une relation sexuelle.

Ne vous trompez pas de mon message : les seuls individus sur qui j’impose ma vision des choses seraient mes partenaires sexuels, donc je laisse la plupart du monde libre à prendre ses propres décisions quant aux stratégies et outils de prévention. Je crois que les données scientifiques sont assez claires à dire que la PPrE serait un choix entièrement valable parmi tous les autres. C’est moi qui ne peux pas ou qui ne veux pas mettre à côté mon histoire et ma peur de transmettre, donc je n’accepterais pas d’avoir une relation sexuelle sans condom avec un homme séronégatif, même s’il prend la PPrE.

Le reste du monde va prendre ses propres décisions, et ces décisions seront logiques et basées sur des données probantes. Sauf, bien sûr le couple que j’ai vu récemment sur Scruff : tous les deux négatifs et sur PPrE, jouent seulement avec d’autres séronégatifs et seulement avec condoms. (Je crois que quelqu’un gaspille son argent sur des pilules qui coûtent cher.) Pour revenir aux décisions logiques, je les respecte. Suivant mon propre raisonnement illogique, je n’y participerais pas.

Et ça, Mesdames et Messieurs, c’est la prérogative de Raiponce.

2 comments:

Riyas said...

Je pense que ce qui manque à ton explication du pourcentage de réduction des risques est que c'est une réduction relative. Par exemple, le 86% ne veut pas dire que le risque de transmission par relation anale réceptive qui est de 138/10 000 expositions est réduit de 86%.

Les données de PROUD et IPERGAY veulent dire qu'entre un groupe de 100 personnes qui prennent la prep et 100 personnes qui n'en prennent peux, il y avait 86% moins d'infections chez ceux qui prennent la PreP, peu importe leur comportement (à cause de la randomisation).

Ken Monteith said...

Merci, je savais que je l'expliquais mal et j'apprécie ton intervention en correction!