14 January 2015

Pouvons-nous en parler?


(The English version of this article is published on Positive Lite)

Le titre est un petit clin d'oeil à Joan Rivers (Can we talk?), mais j'essaie de ne personne insulter par mes propos, même à la recherche de rires ou d'applaudissements. Ce billet se veut un aperçu de la qualité du débat autour de la prophylaxie pré exposition, dont vous avez certainement entendu parler beaucoup plus que vous auriez prévu il y a seulement une année. J'utilise le format anglais PrEP parce que PPrE est plus difficile à prononcer comme un mot.

Les débats que j'ai témoignés au cours des dernières années sur ce sujet ont rarement été calmes ou raisonnés. La première réaction de l'organisme américain AIDS Healthcare Foundation a établi le ton d'un côté du débat : une campagne qui déclarait à haute voix, et dans un nombre impressionnant de médias, qu'il n'y a pas de pilule magique. À mon humble avis, quand l'essence de ton argument se résume dans un court slogan de trois mots, il faut te demander s'il manque de nuances de ta position publique.




Étrangement, la réaction anti-PrEP est très forte, avec des prévisions apocalyptiques de vagues d'infections au VIH qui vont résulter du barebacking sans frein qui suivra certainement toute indication d'acceptation du concept de la PrEP. De plus, il y a les autres infections transmises sexuellement à une quantité pour bloquer les rayons du soleil! Toujours pas très nuancés, ces propos. Les gens anti-PrEP doivent respirer par le nez et prendre un peu de temps pour lire les résultats des études sur la PrEP. Ils vont peut-être sortir de cette pause avec des points de vue plus nuancés qui risquent de moduler le ton alarmiste qu'ils maintiennent jusqu'à maintenant.

La question se pose donc : l'autre côté de ce débat, est-il plus raisonnable et raisonné? À mon avis, pas tellement. J'ai eu l'occasion au cours des fêtes de poser une question – vous allez juger si c'était innocente ou bête – sur la validité statistique de tirer des conclusions sur les résultats d'un petit sous-groupe dans une étude de milliers de personnes. Un-e expert-e statisticien-ne dans la foule? Ce que j'ai reçu comme réponse était une demande d'amitié de la part de la personne qui a affiché l'item original (quel plaisir!) et ensuite un argument sans cesse sur mon « attaque » à la PrEP (moins agréable pour moi).




Même l'argument que la PrEP est « soutenu par la science » manque un peu de nuance. À part ma question très innocente (je vous l'assure!) à propos de l'analyse de statistiques, je vois beaucoup de proclamations des résultats d'études qui ne sont pas encore arrivées a leurs fins, telles que définies dans le design de ces études. C'est un terrain un peu moins que solide pour les champions de la science, je trouve. D'ailleurs il serait également une bonne idée de laisser tomber les comparaisons entre les études condom « vraie vie » et la PrEP dans son utilisation optimale. Quand on fait ce genre de comparaison inégale, ce n'est pas que les condoms qui perdent.

Je vois à répétition cette attitude : si on n'est pas pour la PrEP – probablement pour tous – à 100%, on est réactionnaire résistant au changement qui veux priver tout le monde des plaisirs de la sexualité. Ce n'est pas un chapeau que j'aurais voulu porter, donc je refuse de permettre à quelqu'un d'autre de me l'imposer. Si je peux me permettre de juger (quel horreur!), je trouve que la qualité du débat laisse à désirer.




Avant de vous laisser me classer parmi les pros ou les antis, permettez-moi d'exprimer ma position nuancée quelque part entre les deux. La PrEP est là pour y rester et démontre son utilité comme outil de prévention de transmission du VIH approprié pour plusieurs, sinon beaucoup, de personnes. Les condoms aussi sont là pour y rester et leur utilisation continue à être très pertinente pour plusieurs, sinon beaucoup, de personnes. Il y a aussi d'autres outils dans notre trousse de prévention, dont le dépistage, les traitements efficaces pour les PVVIH, le sérotriage,le choix d'activités sexuelles à moindre risque, et j'en passe. Toutes les stratégies ont des avantages et des désavantages, et ceux-ci devraient idéalement être évalués par la personne qui souhaite les déployer, à partir de l'information la plus complète que possible que nous pouvons fournir.



Donc j'encourage tout le monde à prendre un p… (oups, c'est pas le choix de tous et toutes). Que tout le monde prend une pause pour apprécier qu'il y a deux côtés (ou plus) à chaque débat et que nous devons tous et toutes arrêter de stigmatiser ou de ridiculiser les choix que l'autre peut prendre dans sa propre vie. Je suis assez certain que nous sommes tous et toutes du même côté de la lutte contre le VIH; on pourrait ressembler un peu plus à des allié-e-s.

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