28 July 2014

Encore une campagne pharma dans la rue


(The English version of this item is published on PositiveLite.)

Il y a des choses qui ne vieillissent pas, et d’autres dont la « peau neuve » ressemble trop à l’ancienne.

Ce qui ne vieillisse pas, c’est la Déclaration de principes publiée en 1999 par le Conseil canadien de surveillance et accès aux traitements (CCSAT) sur la question de la publicité directe aux consommateurs (PDC). Parmi les conclusions de la déclaration, on trouve :

  • Il y a une absence de preuve d’un lien entre la PDC et les meilleurs résultats de santé.
  • Il y a une absence de preuve par rapport aux coûts de la PDC. Attendu les sommes énormes dépensées en publicité, il serait raisonnable de nous inquiéter que ces coûts vont faire partie du prix des médicaments sur le marché.
  • Les données probantes démontrent un effet négatif de la PDC sur les pratiques de prescription des médecins et sur leurs relations avec leurs patients. Les médecins sentent une pression de la publicité et de leurs patients pour prescrire des médicaments particuliers, que ceux-ci soient les plus appropriés pour leurs patients ou non.
  • Il n’y a pas de preuve que la PDC mène à des consommateurs bien informés. La nature de la publicité est de promouvoir un produit, et non pas de fournir de l’information par rapport au produit d’un concourant qui serait peut-être un meilleur choix pour le patient.
Je n’ai nommé que quelques-unes des conclusions de cette déclaration. Je vous recommande de la lire au complet.

Avant de discuter la campagne courante, permettez-moi de citer l’expérience d’une autre, qui date de quelques années. Des personnes qui avait des problèmes à tolérer un certain inhibiteur non-nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI) se présentaient chez leur médecin pour insister sur une ordonnance pour le traitement « une pilule, une fois par jour » dont un des composants était le même INNTI qu’elles ne toléraient pas. Qui a profité de ça?




Et la nouvelle campagne?

Au premier regard, cette campagne fait bien plusieurs choses : une grande variété de personnes représentées dans les images, une emphase sur la préparation pour le rendez-vous avec le médecin avec une liste de questions à poser.

Mais elle n’est pas vraiment nouvelle, cette campagne. Elle essaie quand même d’influencer le choix de traitement avec peu de mots (c’est vrai qu’on ne lit pas des annonces avec beaucoup de mots en tout cas) et sans information équilibrée sur les alternatives ni référence à une source d’information plus complète et neutre. En fait, j’étais étonné de découvrir que, sur le site associé à la campagne, on peut bien choisir les questions qu’on veut inclure sur notre liste de questions pour le médecin et on peut même ajouter ses propres questions, mais la liste s’enregistre sur l’ordinateur avec un nom de dossier préétabli de « demandez à votre médecin si [nom du produit] est approprié pour vous » et ce message est imprimé tout en haut de la liste en format PDF.

J’ai parlé aux représentants de plusieurs compagnies pharmaceutiques à propos de leurs campagnes. Je demande toujours s’ils ont prévu de faire une évaluation de leurs campagnes et la réponse est toujours négative. Une évaluation coûterait presque aussi cher que la campagne, ils disent. Donc ils continuent avec leurs pratiques publicitaires et demandent aux payeurs de rembourser leurs produits à des prix de plus en plus élevés pour couvrir les frais de développement du produit. À la fin, nous payons tous et toutes.

J’ai porté des modifications aux images que j’affiche de la campagne : j’ai couvert le nom de la compagnie et du produit et j’ai substitué mon propre code QR. Le mien vous mènera à la déclaration du CCSAT et non pas au site de la campagne. Je ne voulais pas promouvoir le produit ou la campagne par ma critique. Et, pour m’amuser, j’ai inclus la photo d’à travers la station du métro qui démontre que les annonces illuminés ne peuvent pas être captées en photo…comme un vampire!




Quels sont les règlements aux Canada?
 

Ce serait facile à croire que les annonces pharmaceutiques sont généralement permises ici, car les États-Unis est un des deux pays dans le monde à permettre la libre publicité de médicaments d’ordonnance et les médias américaines traversent facilement la frontière.

La règle au Canada est que la publicité peut mentionner le nom de la compagnie et celui du produit ou la condition que le produit traite, mais jamais les deux ensemble ni en parallèle d’une manière qui permettrait aux personnes de voir le lien. Une compagnie souhaitant annoncer son produit pharmaceutique cherche une pré approbation de ses annonces auprès d’un de deux agences privées qui semblent avoir été mandaté par Santé Canada pour jouer ce rôle.

En 2014, l’absurdité de cette règle est claire : je peux trouver à l’intérieur de quelques secondes la condition traitée par le produit en utilisant mon téléphone et ses fonctions internet. La fiction que le règlement canadien nous protège de la publicité pharmaceutique sans contrainte est, en effet, une fiction.

Nous devons mettre fin maintenant à cette pratique qui coute cher et qui ne sert à rien.

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