26 September 2015
Dimanche, je marche
Dimanche, le 27 septembre 2015, je participe et je fais une collecte de fonds pour une seizième fois à Ça Marche, activité de visibilité et de financement pour la lutte contre le VIH/sida.
Je marche avec la fierté de pouvoir m’affirmer comme personne séropositive devant ma ville et de pouvoir aussi contribuer aux moyens des organismes communautaires de lutte contre le VIH/sida.
Je marche aussi avec un peu de déception, pour le peu d’attention que notre cause attire du grand public, mais surtout pour l’absence de plus en plus marqué et remarqué des personnes qui, comme moi, vivent avec le VIH. Ce n’est pas une question de santé pour la plupart, au moins pas dans le sens que c’était dans le mauvais vieux temps. Au début des années ’90, quand les personnes mourraient en nombre de cette maladie, l’urgence faisait que les marcheurs étaient là dans les milliers — béquilles, chaises roulantes et tout — les revendications clairs et forts : du financement pour la réponse au VIH, des traitements efficaces, le respect de nos droits.
Aujourd’hui, nous avons presque gagné sur le côté médical — des traitements bien tolérés qui offrent une bonne qualité de vie (pour la plupart) et une réduction de la transmission, sans toutefois guérir. Une multiplicité de stratégies et d’outils pour éviter la transmission du VIH, tout en menant une vie sexuelle épanouie. Mais les personnes vivant avec le VIH sont de moins en moins présentes à cette activité. Santé retrouvée ou jamais perdue, cette activité ne figure pas dans leurs priorités et se classe comme une autre occasion de se faire identifier comme séropo et se faire rejeter, ou bien un jour à côté de la vie « normale » qu’elles mènent. Et nos revendications…un peu moins claires pour le public, centrées autour des questions de discrimination, stigmatisation et criminalisation, difficiles à comprendre quand on n’est pas dedans.
Il y en a qui pose des questions critiques importantes par rapport aux commanditaires d’activités comme celle-ci. Sur le côté des organisateurs, c’est la réalité incontournable d’une ère d’abandon du social par nos gouvernements. Des milliers d’organismes charitables, dont plusieurs attachés à des institutions de nos réseaux auparavant gouvernementales et aujourd’hui sous-financés eux-mêmes, courent après la largesse d’un public de moins en moins généreux et centré sur son propre bien-être. J’ai réagi mal la première année où l’activité ailleurs au Canada prenait le nom d’une banque comme identifiant sans toutefois bénéficier du réseau bancaire pour sa promotion. Non, aujourd’hui, on achète avec des dollars la valeur d’une cause sociale, privée du financement publique, on y attache son nom pour prendre le crédit et l’engagement arrête là.
Ce n’est pas pour dire que le nouveau commanditaire principal de la marche de dimanche n’est pas engagé dans la lutte contre le VIH/sida, et pour des raisons altruistes. Ce commanditaire n’est pas un étranger à cette cause et a été très présent pendant beaucoup d’années. Je vais quand même compter le nombre de mentions du VIH versus le nombre de mentions des commanditaires quand j’arrive et pendant que je marche. Je vais poliment décliner toute offre de gugusse « brandé » qu’on essaie de me donner et me fier sur la promotion des organismes communautaires et leurs messages.
Oh, les messages. Une divergence dernièrement entre les messages véhiculés par les organismes communautaires et les organisateurs d’activités de collecte de fonds ou leurs commanditaires. Les groupes et les personnes rejettent le misérabilisme, affirment les avancés scientifiques et réclament une place d’égalité pour les personnes vivant avec le VIH dans la société. Mais la tendance vers la peur ou la pitié règne dans le monde de la « bienfaisance ». On « vend » difficilement des histoires de réussite; on aide davantage les pauvres victimes. Et ça, c’est une blâme pour notre société et non pas pour ceux et celles qui cherchent à maximiser les ressources pour les interventions qui seront quand même basées sur l’accompagnement vers l’autonomie — bref, les réussites — et non pas sur les échecs.
Je pointe mon doigt aussi à moi-même. Nous n’avons pas pris avantage de toutes les opportunités que nous offre cette activité de rassemblement, cette possibilité de passer un message au public. Un mouvement communautaire conjugué en des douzaines d’entités différentes ne communique pas toujours un seul message clair au public. Et le quotidien de la lutte contre le VIH — mais autant contre la pauvreté, le rejet, l’ignorance et l’hostilité — ne se prête pas nécessairement à un message enthousiaste, uni et positif. C’est ça notre défi pour l’avenir : parler avec une seule voix, ou plutôt avec l’ensemble de nos voix, mais un seul message pour dire que ce fléau pourrait se terminer prochainement, mais il y a un peu d’effort à ajouter sur les succès de nos actions à date pour nous y rendre. J’espère revenir l’année prochaine avec ce message unifié, conséquent avec les réalités du VIH et crié haut et fort par toutes et tous.
Avec tout ça dans ma tête et dans mon cœur, je marche dimanche et je collecte des fonds pour la lutte contre le VIH/sida.
Qu’est-ce que vous faites dimanche?
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